CSE, attention lors de la conclusion d’un contrat avec un prestataire!
Dans le cadre de ses différentes missions, le comité social et économique peut être amené à conclure des contrats avec des prestataires. Ces contrats peuvent soulever différentes questions, plus particulièrement s’agissant des prestations liées aux activités sociales et culturelles. Force est de constater que la jurisprudence tend, ces dernières années, vers une protection accrue du CSE, notamment par la reconnaissance de sa qualité de non professionnel, et une responsabilisation renforcée des sociétés prestataires compte tenu de leur parfaite connaissance du fonctionnement de l’instance, cocontractante habituelle.
Sur la question du signataire du contrat
Quand le CSE doit conclure un contrat, il devra déterminer qui, parmi ses membres, est habilité à le faire. En effet, le Code du travail ne vient nullement prévoir que le secrétaire ou le trésorier ont capacité pour engager contractuellement le CSE. La Cour de cassation a d’ailleurs récemment rappelé que ni le secrétaire ni le secrétaire adjoint du CSE n’en étaient les représentants légaux et qu’ils devaient donc être expressément mandatés pour engager le comité (Cass. soc., 31 mars 2021, no 19-23.654).
Il conviendra de se référer au règlement intérieur du CSE et le cas échéant qu’une délibération mandate un élu pour contracter.
Cette problématique n’est pas neutre dès lors que le défaut de pouvoir de l’élu signataire est susceptible d’induire la nullité dudit contrat.
À ce sujet, dans un arrêt récent de la Cour d’appel de Versailles en date du 9 février 2021, il a été considéré que la trésorière du CE ne disposait pas des pouvoirs nécessaires pour engager le comité d’entreprise reprochant au prestataire de ne pas avoir vérifié cette habilitation du signataire en sollicitant un justificatif. C’est d’ailleurs pour cette raison que la Cour d’appel écarte l’argumentation de la société tirée de l’existence d’un « mandat apparent » de la trésorière du CE (CA Versailles, 9 févr. 2021, no 19/03060).
Le prestataire pourrait donc être amené à solliciter du CSE, la copie du procès-verbal de réunion du CSE ou celle du règlement intérieur du CSE justifiant du pouvoir de l’élu pour signer au nom de l’instance.
Notre point de vue :il faut à notre avis désigner dans le règlement intérieur du CSE les élus ayant la capacité à engager contractuellement le CSE. Il s’agira le plus souvent du secrétaire, du trésorier et de leurs éventuels adjoints, membres du bureau du CSE. Il pourrait également être envisagé le mandatement du responsable de la commission Activités Sociales et Culturelles. Bien entendu, il conviendra de déterminer des niveaux d’engagements financiers en fonction de la dépense envisagée et d’articuler cela avec la commission des marchés si le CSE en est pourvu.
À défaut de stipulation dans le règlement intérieur, le CSE devra, pour prévenir toute difficulté, mandater en réunion plénière l’élu pouvant contracter pour le compte du CSE, soit selon des règles à définir, soit au cas par cas, au gré des contrats.
Sur les clauses du contrat
Certaines clauses peuvent faire l’objet d’une demande de modification, même si le prestataire n’est pas tenu de l’accepter.
L’attention du CSE doit notamment être apportée sur les types de clauses suivants.
D’abord les clauses abusives : ce sont celles « qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur (ou du non professionnel), un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » (C. consom., art. L. 212-1 et C. consom., art. L. 212-2). Dans une décision du 14 janvier 2021 le Tribunal judiciaire de Paris a reconnu la qualité de non professionnel à un syndicat dans le cadre d’un contrat conclu avec une société de location de matériel informatique et débouté cette dernière de sa demande de paiement d’indemnité de résiliation contractuelle, la clause le prévoyant étant considérée comme abusive dès lors qu’elle induisait pour le syndicat de payer l’intégralité des loyers restant à échoir majorée de 10 % (TJ Paris, 14 janv. 2021, no 1910032). Une solution semblable pourrait être retenue pour le CSE, étant précisé que la 1ère chambre civile de la Cour de cassation lui a déjà reconnu la qualité de non professionnel au sens du Code de la consommation (Cass. 1ère civ., 15 juin 2016, no 15-17.369 ; Cass. 1ère civ., 5 juill. 2017, no 16-20.748).
Ensuite, les clauses relatives au Règlement Général de Protection des Données (RGPD), qui doivent nécessairement être intégrées au contrat dans la mesure où le CSE est soumis aux dispositions légales sur la protection des données et doit dès lors s’assurer du respect de ces règles par les prestataires auxquels il a recours. Pour rappel, l’article 28 du RGPD prévoit un certain nombre de mentions obligatoires dans le contrat liant le responsable des données et le sous traitement, et notamment :
- un traitement des données conformément aux instructions documentées du responsable de traitement et uniquement pour les seules finalités faisant l’objet du contrat ;
- la garantie de la confidentialité des données à caractère personnel traitées dans le cadre du contrat ainsi que leur sécurité ;
- la garantie du respect de la confidentialité des données et du bénéfice d’une formation adaptée par les personnes autorisées à traiter les données à caractère personnel en vertu du contrat ;
- l’information du responsable de traitement en cas de réception de la part de personnes concernées par le traitement, d’une demande d’exercice de leurs droits et aider dans la mesure du possible le responsable de traitement à s’acquitter de son obligation de donner suite aux demandes ;
- la notification de toute violation des données à caractère personnel au responsable de traitement dans un délai maximum de 48 heures après en avoir pris connaissance ;
- l’engagement de détruire et de renvoyer toutes les données à caractère personnel au responsable de traitement ou au sous-traitant qu’il aura désigné ;
- la clause de tacite reconduction dans le cadre de contrat à durée déterminée qui induit une obligation d’information à la charge du prestataire (cf. rupture du contrat).
Notre point de vue :il faut bien examiner les clauses du contrat de prestations avant de le signer et ne pas hésiter à demander l’ajout ou le retrait de certaines clauses. Le cas échéant, demander conseil à un avocat.
Sur l’imputation du coût du contrat
Pour rappel, le CSE est soumis au principe de séparation des budgets, ce qui suppose une utilisation et une comptabilité propre à chacun (fonctionnement d’une part, et activités sociales et culturelles d’autre part).
Une seule exception audit principe est fixée par la loi dans un cadre déterminé et limité dans son quantum. Elle consiste à permettre au CSE de transférer 10 % de l’excédent annuel d’un budget sur l’autre budget (C. trav., art. L. 2315-61 et C. trav., art. L. 2312-84).
Il est important de souligner que le recours à cette possibilité peut avoir un impact sur la prise en charge financière de l’employeur du coût des expertises relatives à la consultation sur les orientations stratégiques ou aux consultations ponctuelles dès lors que le CSE ne pourra plus bénéficier d’une prise en charge à 100 % mais seulement à hauteur de 80 % en cas d’insuffisance du budget de fonctionnement (C. trav., art. L. 2315-80).
En dehors de cette hypothèse, il est strictement interdit d’utiliser un budget pour des dépenses qui se rapportent à l’autre budget. Il s’agit d’une règle d’ordre public.
À défaut de respect par le CSE des règles susmentionnées :
- il est susceptible de s’exposer à réintégrer les sommes illégalement engagées sur le budget correspondant (CA Versailles, 30 janv. 2020, no 18/03913 ; Cass. soc., 2 déc. 2020, no 19-10.299) ;
- il pourrait se voir reprocher un abus de confiance, délit pénalement répréhensible (C. pén., art. 314-1).
Toutefois, il conviendra d’apprécier si l’erreur d’imputation n’a pas pour origine une manœuvre frauduleuse du prestataire ce qui pourrait entrainer l’annulation du contrat. En effet, la Cour d’appel de Versailles a, dans un arrêt récent du 9 février 2021, décidé d’annuler le contrat conclu entre un comité d’entreprise et une société prestataire compte tenu des manœuvres frauduleuses commises par cette dernière.
Dans cette décision qui est à saluer, la Cour d’appel a annulé le contrat litigieux dans la mesure où le prestataire n’avait pas hésité à soutenir, en toute connaissance de cause, que le coût du contrat devait être imputé sur le budget de fonctionnement même s’il s’agissait, à titre principal, de prestations liées aux ASC, étant précisé qu’il avait connaissance de l’absence de fonds nécessaires sur le budget des ASC de l’instance représentative du personnel (CA Versailles, 9 févr. 2021, no 19/03060).
Notre point de vue :il faut être particulièrement vigilant quant à l’imputation des dépenses induites par les contrats conclus avec des prestataires. Si le contrat peut englober des prestations liées au fonctionnement du CSE et des prestations relatives aux activités sociales et culturelles, le CSE doit déterminer, en fonction des montants de chacune des prestations d’imputer l’un et l’autre budget à due proportion. Confronté à des manœuvres frauduleuses de la part d’un prestataire ayant eu pour conséquence des erreurs d’imputation des dépenses sur les budgets, le CSE devra s’interroger sur l’opportunité de saisir la justice.
Sur la rupture du contrat
Fréquemment, les CSE concluent dans le cadre de la gestion des activités sociales et culturelles des contrats de prestation de service à durée déterminée avec tacite reconduction.
Dans cette hypothèse, la jurisprudence de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation considère que le CE, devenu CSE, doit être qualifié comme un non professionnel bénéficiant de la protection du code de la consommation.
Cela implique le droit d’être informé, par écrit, au plus tôt trois mois et au plus tard un mois avant le terme de la période autorisant le rejet de la reconduction, de la possibilité de ne pas reconduire le contrat conclu et de la date-limite de non-reconduction, dans des termes clairs et compréhensibles (C. consom., art. L. 215-1 et C. consom., art. L. 215-3).
À défaut du bénéfice de cette information, le non professionnel, en l’occurrence le CE/CSE, peut mettre un terme au contrat à tout moment, et ce gratuitement (Cass. 1ère civ., 15 juin 2016, no 15-17.369 ; Cass. 1ère civ., 5 juill. 2017, no 16-20.748).
Si avant ces décisions, la chambre commerciale de la Cour de cassation avait considéré, au contraire, que le CE devait être qualifié de professionnel (Cass. com., 16 févr. 2016, no 14-25.146), cette décision n’apparait pas conforme à la jurisprudence récente sur la notion de non professionnel (notamment Cass. 1ère civ., 10 oct. 2019, no 18-15.851 s’agissant d’une association considérée comme un non professionnel dès lors qu’elle ne bénéficiait pas d’autres ressources que celles tirées des cotisations de ses membres ; TJ Paris, 14 janv. 2021, no 1910032, s’agissant d’un syndicat reconnu comme un non professionnel compte tenu de la nature de son activité ni lucrative ni rémunérée par une clientèle).
Notre point de vue :il faut être vigilant quant à la durée des contrats conclus et aux facultés de résiliation, notamment en présence d’une clause de tacite reconduction. À ce titre, il peut être conseillé de :
- créer des rappels dans le calendrier du CSE ;
- rédiger un courrier de résiliation faisant référence aux dispositions légales du Code de la consommation, en cas de manquement du prestataire à ses obligations.
Il y aura lieu de se référer aux stipulations contractuelles pour respecter les formes et délais dans lesquels peuvent intervenir la résiliation du contrat de prestation.